Le Syldave d'Hergé:
Une grammaire |
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Les images de Tintin © 1947, 1953, 1975, 1981 by Casterman. Réproduites avec l'accord aimable de la Fondation Hergé. | [English] |
Les aventures de Tintin, par le remarquable artiste belge Hergé, divertissent tout le monde; pour le linguiste, elles offrent le charme additionnel de fournir un goût tentant d'une langue quasiment inconnue, le syldave. A ma connaissance, Hergé n'a jamais présenté aucune esquisse grammaticale de ce langage, et des autres sources sur le syldave sont assez rares. Je me suis permis donc d'arranger les faits connus sur cette langue fascinante. Il y a trois moyens différents de lire ce document :
Certaines de mes interprétations et interpolations seront sans doute inexactes; je ne connais pas le néerlandais, langage qui s'impose (comment on le verra) dans ce travail, et j'ai dû compter sur des correspondants néerlandais et belges sur le Réseau. Je présente aussi mes excuses pour mes fautes inévitables de français. Je recevrai des corrections avec plaisir (mais s'il vous plaît, ne me parlez pas du marollien; je m'en suis déjà rendu compte). —Mark Rosenfelder |
Ci-dessous j'énumère tout texte en syldave qui se trouve dans l'oeuvre tintinesque. Toute les citations sont tirées bien sûr de la version française. Les traducteurs ont de temps en temps fait des altérations dans les textes— p.e. la version anglaise donne politzski au lieu de gendarmaskaïa. Les translittérations suivent les équivalents donnés sous Orthographe. Il est dommage que le html soit si démeuré dans le domaine des scripts non-romains. Les noms propres se trouveront dans une section à part, après les textes proprement dits. Le Sceptre d'Ottokar (1947)4 szlaszeck espèce de viande, qu'on identifie (trompeusement, paraît-il) comme du chien; szprädj sorte de vin rouge
Voici le passage le plus délicat à traduire. Je n'en avais guère déchiffré la moitié, quand j'ai trouvé la traduction donnée par Frédéric Soumois dans son Dossier Tintin (1987) : "'Père Ottokar, tu es donc roi de la ville, alors le trône est pour moi.' Celui-là dit à l'autre. 'Viens prendre le sceptre.' Et le roi frappa sur Staszrvitch d'un coup de sceptre, qui le fit tomber sur le carreau comme une bique."
Je me suis écarté de M. Soumois à certains égards.
Pour lapzâda un correspondant suggère le néerlandais lap' zei hij 'claque! dit-il' ou lap' zei de 'claque! dit de (roi)'. J'en doute. On peut donner une interprétation néerlandaise en allant de syllabe en syllabe pour presque toute expression syldave; mais le résultat ne se tiendra peut-être pas. Remarquez que le contexte immédiat est "Venez saisir —-", ce qui ne mène pas vraiment aux traductions suggérées; et notez que nous avons déjà czäídâ 'a dit' dans ce même passage.
Yves Horeau interprète ön eltcâr alpû comme
'À chacun son tour le sceptre', en référant la première partie au néer.
aan elkaar (littéralement 'un autre'). C'est bien possible,
mais le roi dirait-il ça ? Il entend aussi lapzâda comme
'a frappé', ce qu'il est très tentant, mais nous avons aussi klöppz
dans la même phrase.
Dans la version en noir et en blanc de 1939, le texte est complètement différent.
Yves Horeau a entrepris la tâche héroique de le traduire. Voici
sa translitération et sa traduction :
Ceci est au long correct, a mon avis (exceptés quelques mots).
Dans cette première version, curieusement argotique,
Hergé a trouvé l'éxotisme principalement dans l'insertion de lettres inattendues
(p.e. aouirdzl pour a ouï), à la place des accents et trémas.
24 Un paysan, en regardant Milou qui tombe du ciel : Zrälùkz! "Regarde!"
Objectif Lune (1953)3 Zepo, abbréviation pour la police secrètePanneau : ЮЕРХВЕН / ВЕРТЗРАГЗ Verkhwen / Wertzragh 'Travaux / ralentir' Panneau : ФОРВОТЗЕН ЗОНА Forwotzen Zona 'Zone Interdite' 5 Policier, à Haddock qui sort de la voiture : Hält! Ihn dzekhoujchz blaveh! "Halte! Restez dans la voiture!" Dzekhoujchz s'écrit en un seul mot, mais les mots apparentés et la signification sont indéniables : cf. néerlandais koets 'carrosse', blijven 'rester'. Comparez dzapeih et dzoeteuïh ci-dessous; c'est clair que l'article défini peut fusionner avec le mot suivant en syldave. Notez aussi le verbe à la fin, ce qui donne un air très germanique. A Haddock, une question : Ah? Döszt? "Ah? Soif ?" A un autre policier : On fläsz Klowaswa vüh dzapeih... Eih döszt! "Une bouteille de l'eau de Klow pour ce type... Il [a] soif!" Je pensais d'abord que vüh dzapeih était '[de l']eau apportez.' Mais des néerlandophones ont suggéré voor daarbij 'pour tout près', voor die pief 'pour le mec', ou voor da pei, voor de pee 'pour le type' (en bruxellois). J'ai préferé le dernier en lieu de mon premier hypothèse, parce qu'il convient au contexte et offre une explication supérieure pour dzapeih. Certains de mes correspondants voient dans eih une abbréviation de hij heeft 'il a'— prononcé, on me renseigne, [E: e:] en marollien. Mais je ne vois pas tout à fait les deux éléments dans cet eih; et je ne veux point voir dans le syldave un fouillis d'abbréviations inexplicables. Je me doute que 'a' ne s'entend presque pas après 'il', et s'élide; comparez 'Il va lire' et 'Il va le lire' en français populaire. 6 Chauffeur, à Haddock, en expliquant pourquoi il y un hélicoptère qui bloque la route : Kontzroll, Monzieu. Probablement que Monzieu est monsieur dans un accent syldave. "Contrôle, monzieu." Policier, à l'agent dans la voiture : Güdd.. Zrädjzmo... Zsálu endzoekhoszd... "Bien... Continuez... A bientôt." Ma première hypothèse pour endzoekhoszd c'était 'vite' (néer. inderhaast). Les néerlandophones préfèrent lire Salut en de kost, qui veut dire (en langue familière) "Salut, à bientôt". Ça n'évoque guère le moyen de parler de la police, mais c'est le meilleur que nous ayons. Panneau : ШАЛТ Halt! Nous avons ceci comme Hält dans Sceptre. Hergé utilise la lettre cyrillique Ш ch pour H— un drôle de choix, surtout quand le syldave a le son ch (sz). Mais l'alphabet cyrillique n'a pas d' h, et Hergé estimait peut-être que nous ne nous renseignerions sur lui. Un autre agent, au chauffeur : Güdd! ...Zrädjzmo!... Zsoe ghounh dzoeteuïh ebb touhn... "Bien!... Continuez!... Ils vont ouvrir les portes." Pour la première partie, les suggestions comprennent Goed [zo]... Rijdt u maar "Bon, continuez.", ou Da's mooi "C'est bon." Les traductions qui insèrent des coupures de mot à n'importe quel endroit me gênent, mais le lien à rijden 'conduire, aller' est irrésistible. Un indice inattendu vient de l'arumbaya dans Tintin et les Picaros, aussi dérivé du néerlandais bruxellois : Fretmô 'Mangez-en plus!'; cf. néer. Vret maar. Il paraît que -mo sert de clitique intensifiante, en arumbaya comme en syldave. Pour le reste, la meilleure suggestion est Ze gaan de deur opendoen "Ils vont ouvrir les portes." (Notez que deur est du genre commun; et 'ouvrir' est openen, opendoen, ou opengaan en néerlandais.) Le chauffeur réplique, Güdd! "Bon!" 12 Zekrett Politzs - police secrète L'Affaire Tournesol (1956)15 Paquet de cigarettes : МАЗЕДОНИА ЛОЗКТЕХ /-ИХ СЗТОУМПЕХ Mazedonia, lozktekh, —ikh sztoumpekh, 20 zigarettes- Laissé tomber par un type en trench-coat gris, qui se révèle être bordure. Je le considère comme du syldave, néanmoins, parce que les bordures (comme on peut voir dans cet album) utilisent exclusivement l'alphabet romain. Cet espion bordure doit avoir un goût pour les clopes de l'ennemi.La signification de lozktekh et de sztoumpekh se cachent. Le dernier se rapporte peut-être au néerlandais stomen 'fumer' ou stoemp 'mégot'. Le premier vient peut-être de l'allemand lustig 'gai', et (si on peut juger par le contexte) deviendrait en syldave 'plaisant'. 30 Agent syldave, qui conduit Tournesol à l'eau : Rapp! Noh dzem bûthsz! "Vite! Au bateau!" Noms propresPersonnes : Sporowitch (SO 5), Kroïszvitch (SO 6), Schzlozitch (SO 18), Hveghi, Muskar (SO 19); Almazout, Ottokar, Staszrvich (SO 21); Trovik, Wizskiszek, Sirov (SO 26); Sprbodj (SO 29); Kromir (SO 30); Czarlitz (SO 33); Wladimir (SO 39); Müsstler (SO 42— fusion des noms des dictateurs italien et allemand, selon Hergé); Kaviarovitch (SO 60); Stany, Boldov (AT 41)Lieux : Wladir, Moltus (SO 19; fleuves); КЛОВ Klow, Kragoniedin, Zileheroum, Dbrnouk, Niedzdrow (SO 19, OL 4; villes); Zlop (SO 27); ЗЛІП Zlip (SO 28; villes); Kropow (SO 30; château); Istow (SO 57; ville); Douma (SO 61; porte); Klazdroje (OL 2; rue); ТЕСЗНІК Tesznik (OL 4); Sbrodj (SO 3); Zmyhlpathes (OL 9; montagnes); Zstopnohle (OL 51; montagne) |
Par nécessité cette section comprend plus d'interprétation, bien que je l'aie fondée, autant que possible, sur les textes du Corpus. Je n'ai pas hésité ajouter des détails, quand cela me semblait nécessaire; des mots non attestés dans l'oeuvre Tintinesque apparaissent en bleu.
Affiliation génétiquePlusieurs ont supposé, en considérant sa phonologie, que le syldave appartennait aux langages slaves. Et bien sûr que le premier roi de Syldavie, Muskar, était Slave. Mais l'histoire comprend beaucoup de nations dont le peuple et le souverain ne partagent pas (ou ne partageaient pas) la même langue.Si l'on cherche des mots apparentés dans d'autres langues européennes, en sautant des mots internationaux et des noms propres, le résultat est frappant :
L'évidence est claire : le syldave est une langue germanique, et non pas slave; il n'y a pas de cas (les noms propres à part) où il y a un mot apparenté slave sans équivalent germanique. L'influence slave sur le langage est évidemment importante, parce que la noblesse syldave était slave, et également à cause de l'emplacement géographique de la Syldavie. Les noms propres en syldave, par exemple, sont d'ordinaire slaves. Bien que la Syldavie se trouve dans les Balkans, les formes syldaves sont d'ordinaire plus proches du néerlandais que de l'allemand (cf. güdd, nietz, wertzragh ci-dessus). Hors du texte, la raison en est simple : quand il avait besoin de mots étrangers, Hergé se servait régulièrement du marollien (Marols), le dialecte flamand bruxellois que parlait sa grand-mère. (Un autre exemple est la ville arabe de Wadesdah— "Qu'est-ce que c'est que ça" en marollien; et comparez aussi l'arumbaya dans L'oreille cassée.) Quelques lecteurs concluent que le syldave est le marollien; mais c'est une exagération. Examinons de plus près la liste de mots apparentés ci-dessus : eih, fläsz, forwotzen, muskh, et micz sont plus proches à l'allemand qu'au néerlandais. Remarquez aussi la diversité des formes de l'article défini— dascz, dze, dzem, dza, dzoe— ce qui implique la déclension par cas et par genre, comme en allemand; l'article néerlandais n'a que deux formes, et ne décline pas par cas ou par nombre. Il y a aussi des emprunts évidents au français, tels que czesztot, klebcz, gendarmaskaïa, adwicza, karrö, zrälùkz. PhonologieLe syldave a un inventaire ample de consonnes. Dans la translittération ordinaire :
lab dent alv vél uvul La plupart de ces sons existent en français; seul l'orthographe (dont on parlera encore ci-dessous) est étrange pour les francophones. sz et zs sont les fricatives alvéolaires ʃ ʒ écrites ch et j en français. Les affriquées voisines cz (aussi écrite tcz ou tch) et dj se prononcent tch, dj. Quelques linguistes considéreraient le kz, prononcé [ks], être un phonème. tz se prononce /ts/, et dz n'est que l'équivalent sonore.
J'ai pris l'interprétation de zs de l'hongrois, qui écrit ce son de cette façon-ci. Sz et cz s'interprètent comme en polonais; cette orthographe était commune dans l'Europe centrale; elle se conserve dans le mot anglais Czech (tchèque). L'orthographe tch (Sporowitch, qui imite le patronyme slave : Ivanovitch), est évidemment empruntée au français; vu que nous ne voyons tch que dans des mots propres nous pouvons le considérer comme une variante orthographique— je préfère l'interpréter ainsi, au lieu de dire qu' Hergé a dû éviter les exceptions, en écrivant Sporowicz. tcz ne s'atteste que dans bätczer; en remarquant que un t ne change pas le son d'un cz, nous pouvons identifiquer une autre variante orthographique— ou peut-être une consonne doublée.
Comment interpréter khoujchz ? L'équivalent néerlandais koets ne suggère que l'existence d'une affriquée. chz n'est assurément pas la même chose que tz; c'est plus probablement (surtout quand nous avons déjà vu la variante tch) une autre forme de cz. kh (de temps en temps écrit ch) se prononce comme l'allemand ch dans Bach. L'équivalent sonore est gh.
Le gh sonore /ɣ/ n'est pas très commun dans les langues européennes— il est plus courant dans les langues turques— mais c'est très bien indiqué par le modèle néerlandais: p.e., vagebond se prononce [vaɣebont]. La co-existence de mots tels que ghounh, güdd suggère que, à la différence du néerlandais, les /g/ et /ɣ/ contrastent en syldave. Dans l'ancien syldave nous trouvons le /k/ écrit c : eltcâr, cârrö. Nous ne voyons pas cette convention dans les mots modernes, et je soupçonne qu'on utilise actuellement k, au moins pour les mots que l'on perçoit comme natifs. Comme en français, les phonèmes dentaux se prononcent contre les dents, ce qui produit un contraste fort entre p.e. s et sz, tz et cz. Le r se prononce roulé, mais avec un seule battement, comme dans l'espagnol, l'italien, ou le japonais; ce n'est pas le r grasseyé du français, ni l'r longuement roulé du provençal. Le rz est le r palatalisé du polonais (rz) ou du tchèque (Dvorak); aux oreilles françaises ça aura à peu près l'air de rch. Un point difficile : le w se prononce /v/, comme dans 'avoir', tandis que le v est une liquide bilabiale /β/, comme dans l'espagnol (d'Espagne) lavar.
Les phonèmes w et v sont une espèce d'énigme. Du mot Klow, donné dans tous les deux alphabets, nous voyons que w équivaut au B cyrillique, qui se prononce /v/ dans toutes les langues slaves; comparez aussi des emprunts comme Wladimir, et la prononciation de w en allemand et en polonais. Néanmoins nous voyons aussi v, par exemple dans Hveghi. La clé du mystère se présente dans la mot ЮЕРХВЕН 'travaux', apparenté à l'allemand Werken, pour lequel Hergé ne donne pas de translittération. En se rappellant des mots russes comme soyuz, il est tentant de lire /juerxven/; mais je crois que c'est une méprise de l'usage de la lettre yu en russe, où elle n'indique pas y + u, mais une forme d' /u/ : en particulier, un /u/ qui suit une consonne palatalisée. La palatalisation n'est pas importante en syldave, mais 'une forme d' u' est le point clé. La meilleure interprétation des faits est que le Ю syldave est une approximante bilabiale /β/, comme dans l'espagnol lavar, et qu'il s'identifie avec le v vu dans les translittérations. Après une consonne, comme dans Hveghi, il est probable que le v devienne semi-voyelle : [hweɣi]. Notez aussi que le néerlandais comporte aussi la distinction /v/ vs. /β/, mais l'orthographe opposante : v, w.
Dans deux mots (bûthsz, Zmylpathes) nous avons un digraphe th; je le prends comme variante orthographique de t, comme en français ou en allemand. Dans le dernier mot l'orthographe a évidemment été suggéré par celle des Carpates (l'anglais 'Carpathians'). Il n'y a pas de bonne explication pour le th de bûthsz; mais on peut formellement exclure une fricative. Les seules langues germaniques avec une fricative th sont l'anglais et l'islandais, et des listes de mots apparentés on voit clair que le syldave suit les autres langues germaniques : cf. döszt, dze vs. l'anglais 'thirst, the'. Les voyelles sont: d'avant centrale d'arrière La réalisation des voyelles d'avant est claire : comme en français et en allemand, i et e existent en formes soit arrondies, soit non arrondies (donc ü = fr. u, ö = fr. oe). L'interprétation de l' ä est incertaine : c'est peut-être un a arrondi, ou un a plus avancé [æ] comme l'anglais 'ask', ou (hypothèse que je préfère) il peut répresenter [ɛ] (le e de bête), comme en allemand. Nous ne savons pas comment se prononcent û et ô, surtout parce chacun n'apparaît que dans un mot (bûthsz, khôr). Je suggère û = une voyelle centrale, comme le e de le mais un peu plus haute; et ô = o ouvert, comme dans donner. Nous voyons aussi quelques instances de ou, oe, y. Le premier est peut-être un diphtongue, et le deuxième, une variante de ö. J'ai pris le y comme voyelle haute et relâchée /I/, comme celle du néerlandais pit, mais ce n'est peut-être qu'une variante orthographique d' i.
L'abondance des diacritiques et de variantes d'orthographe sont vraiment un défaut dans l'invention d'Hergé. Il aurait mieux fait de se fixer et de mettre au point tous les sons du syldave, au lieu de les inventer peu à peu. La manque de consistance ne gênera peut-être que les linguistes; mais il y a aussi un problème artistique : le lecteur ne saura pas comment prononcer le langage. OrthographeDans l'époque médiévale les Syldaves écrivaient leur langue (germanique) en alphabet romain (voir par exemple le manuscrit du 14e siècle du Sceptre d'Ottokar). Et même actuellement dans les armoiries syldaves, la devise Eih bennek, eih blavek s'écrit en caractères romains (plus précisément, en ce qu'on appelle en allemand le Fraktur). Au présent, les Syldaves écrivent leur langue en utilisant l'alphabet cyrillique. Quand ils ont changé et pourquoi restent des mystères. Voici les consonnes syldaves dans les alphabets romains et cyrilliques :
Dans de certains cas (cz, tz) on se sert des digraphes à la place des caractères simples utilisés dans les langues slaves. Ceci ne s'explique qu'en supposant que la Syldavie ait d'abord utilisé l'alphabet romain, et que l'orthographe cyrillique se soit fondée sur lui.
J'ai dû fournir quelques équivalents, pour des sons qu'Hergé n'a donné que dans l'alphabet romain.
L'usage de ЗС suit le modèle d'Hergé— les Syldaves avaient sans doute des raisons pour lesquelles ils évitaient les Ш sha et Ж zhe cyrilliques. Enfin je suggère gz comme translittération de gh; ça fournit un équivalent qui manque, et produit à la fois une prononciation plus plausible pour le mot wertzragh.
Les parties du discoursLes noms Les noms ont un genre, ou le commun ou le neutre. La plupart des noms, y compris la majeure partie de ceux qui réfèrent aux personnes ou aux animaux, sont du genre commun. Pluriels : -es (zigarettes, Zmyhlpathes) et -en (verkhwen) se voient tous les deux.
La postulation de deux genres en syldave s'est basée surtout sur les formes multiples de l'article défini. Pronoms
Les formes sujets servent, naturellement, pour le sujet d'une phrase :
Les formes complément s'utilisent pour le complément d'un verbe ou après une préposition :
Les pronoms démonstratifs sont czei 'ce, ceci', tot 'ce, cela':
Des autres pronoms connus sont eihn 'ici', daren 'là', eltkar 'un autre, l'autre'. L' article indéfini est on.
Le pluriel est onegh. onegh klebczen des chiens, quelques chiens L' article défini est décliné, comme en allemand.
Les formes nominatives s'utilisent pour le sujet d'une phrase :
Les formes accusatives s'utilisent pour le complément direct (et après certains prépositions): Dzem bûthsz werlagh ek. Je veux le bateau. Les formes datives s'utilisent pour le complément indirect (et après certains prépositions). Comparez le français au, à la, aux : Ek itd dzekönikstz werkopta. Je l'ai vendu au roi. Les formes génitives s'utilisent dans les expressions de possession. Comparez le français du, de la, des : Eih fällta öpp o kârrö doscz bûthsz. Il est tombé sur le plancher du bateau. Les formes qui terminent dans une voyelle s'attachent au mot qui suit : dascz gendarmaskaïa 'la gendarmerie', mais dzoeteuïh 'les portes'.
Les formes attestées sont:
Comparez l'allemand et l'ancien néerlandais :
Dans une époque passée le syldave a dû posséder une série de formes pareilles à celles de l'allemand. Il n'est pas difficile à voir ce qui s'est passé. Le -r final a disparu (-r n'est pas stable en syldave; comparez döszt avec l'angl. 'thirst', ou vüh avec 'for'), de même que le -m final. La distinction entre de et die s'est aussi perdu, et au même temps, peut-être, tout les deux se sont affriqués à dze. L'accusatif et génitif féminins ont dû aussi être dze; les formes dzem (de l'ancien den) et doscz (de des) se sont adoptés par analogie, ce qui a aboli les différences entre les deux genres. Avec la palatalisation de das dans le neutre, on a atteint le système actuel.
Adjectifs Les adjectifs précèdent les noms : forwotzen zona 'zone interdite'; Zekrett Politzs 'Police secrète'. Ils ne sont pas déclinés. (En fait, il n'y a pas d'évidence suffisante pour savoir si les adjectifs changent de forme. Les règles du néerlandais sont compliquées.) Notez la dérivation Klow > Klowaswa. Il y a certainement d'autres adjectivisations; comparez Zyldav 'syldave'. Les adjectifs peuvent modifier les verbes (ou, si vous voulez, les adverbes ont la même forme que l'adjectif corréspondant): Nadja Wladimir zekrett löwt. Nadia aime secrètement Wladimir. Verbes: ConjugaisonFormes attestées:
Les verbes ont deux conjugaisons, dites forte et faible. La conjugaison forte :
Et la faible :
Les différences se voient dans le passé (formé par l'altération de la racine pour les verbes forts, et par l'addition de -da (-ta après une consonne sourde) pour les faibles) et dans le participe passé (qui pour les verbes forts partage la même l'altération de voyelle que celle du passé). Les indices nous manquent pour la détermination des formes de la deuxième personne (tu, vous)— en effet, nous ne savons même pas si le dûs 'tu' médiévale subsiste. Je suggère qu'on utilise les formes de la première personne. PrépositionsPrépositions connues : ihn dans Fait curieux : les prépositions deviennent des post-positions avec les pronoms du 3s, en utilisant la forme spéciale er : p.e. erom 'à ou contre lui/elle', ervüh 'pour lui ou elle', etc. Les prépositions prenent d'ordinaire le datif, sauf quand il y a question d'un mouvement, quand l'accusatif s'impose. Il y a donc une différence sémantique entre :
Le corollaire est que certaines prépositions ne s'utilisent qu'avec un cas : p.e. noh, qui exprime toujours un mouvement, prend toujours l'accusatif; tandis que o, qui n'implique jamais un mouvement, est suivi toujours par le datif. Je fonde cette description sur l'allemand, parce que le néerlandais (y compris le marollien!) n'a pas d'article défini décliné. Ça se tient avec les expressions prépositionelles dans le Corpus (voyez Articles). SyntaxeLe verbe suit d'ordinaire le complément : Ihn dzekhoujchz blaveh! Restez dans la voiture! Où il y a un auxiliaire et un verbe principal, le verbe reste à la fin, mais l'auxiliaire se situe juste après le sujet : Zsoe ghounh dzoeteuïh ebb touhn. Ils vont ouvrit les portes. Dans le syldave plus vieux le pronom peut suivre le verbe, et on peut encore le mettre ainsi pour souligner sa pensée : Eih bennek, eih blavek Ici je suis, ici je reste. [orthographe médiévale] On peut dire soit Eihn ben ek, soit Ek ben eihn, mais jamais *Eihn ek ben. En général on peut dire ou "X est Y" ou "Y est X". Quand X est un pronom, la forme "Y est X" est plus forte: Güdd eszt itd, 'Bon qu'il est.' Dans les phrases dans le Corpus avec kzommet, des expressions prépositionelles suivent le verbe. Mais la virgule indique que l'expression prépositionelle s'est déplacée afin de se souligner, ou comme une espèce de pensée après coup : Kzommet micz omhz, noh dascz gendarmaskaïa! Venez avec nous, à la gendarmerie! Les formes du verbe 'être' suivent directement le sujet : Dzekönikstz eszt güdd. Le roi est bon. La forme fusionnée czesztot 'c'est' commence la phrase : Czesztot Tintin. "C'est Tintin." Négatifs Pour mettre une phrase à la forme négative, on ajoute le particle nietz après le sujet, en position d'auxiliaire. Müsstler nietz dzem könikstz löwt. Müsstler n'aime pas le roi. Dans les phrases copulatives, nietz s'insère après le verbe (ou czesztot) : Müsstler eszt nietz güdd. Müsstler n'est pas bon. Questions Les questions simples s'indiquent d'ordinaire par une inflection montante : Dzekönikstz het döszt? Le roi a soif ? S'il y a un verbe auxiliaire, ou un verbe sans complément, on peut aussi invertir sujet et verbe : Ben ek eihn? Blav ek eihn? Suis-je ici ? Est-ce que je reste ici ? Le seul pronom que nous savons c'est vazs 'que':
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Pour les verbes forts, le participe passé se donne en parenthèses. adwicza - n. avis [du français]
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