Le Syldave d'Hergé:
Une grammaire
 
Les images de Tintin © 1947, 1953, 1975, 1981 by Casterman. Réproduites avec l'accord aimable de la Fondation Hergé.   [English]

Introduction

Les aventures de Tintin, par le remarquable artiste belge Hergé, divertissent tout le monde; pour le linguiste, elles offrent le charme additionnel de fournir un goût tentant d'une langue quasiment inconnue, le syldave.

A ma connaissance, Hergé n'a jamais présenté aucune esquisse grammaticale de ce langage, et des autres sources sur le syldave sont assez rares. Je me suis permis donc d'arranger les faits connus sur cette langue fascinante.

Il y a trois moyens différents de lire ce document :

  • Tout simple, pour voir ce qui veulent dire les textes hergéens en syldave. Lire le Corpus Annoté, en sautant les sections en cette couleur.
  • Pour saisir le syldave comme un système : phonologie, orthographe, morphologie, syntaxe. Lire la Grammaire et le Lexique, en sautant les sections en cette couleur.
  • Comme une sorte de policier linguistique : suivre comment on a déchiffré les textes, quels sont les mots apparentés, comment on a arrangé le résultat en système cohérent et plausible. Lire les sections en cette couleur.

Certaines de mes interprétations et interpolations seront sans doute inexactes; je ne connais pas le néerlandais, langage qui s'impose (comment on le verra) dans ce travail, et j'ai dû compter sur des correspondants néerlandais et belges sur le Réseau.

Je présente aussi mes excuses pour mes fautes inévitables de français.

Je recevrai des corrections avec plaisir (mais s'il vous plaît, ne me parlez pas du marollien; je m'en suis déjà rendu compte).

—Mark Rosenfelder

Le Corpus Annoté

Ci-dessous j'énumère tout texte en syldave qui se trouve dans l'oeuvre tintinesque. Toute les citations sont tirées bien sûr de la version française. Les traducteurs ont de temps en temps fait des altérations dans les textes— p.e. la version anglaise donne politzski au lieu de gendarmaskaïa.

Les translittérations suivent les équivalents donnés sous Orthographe. Il est dommage que le html soit si démeuré dans le domaine des scripts non-romains.

Les noms propres se trouveront dans une section à part, après les textes proprement dits.

Le Sceptre d'Ottokar (1947)

4 szlaszeck espèce de viande, qu'on identifie (trompeusement, paraît-il) comme du chien; szprädj sorte de vin rouge
5 khôr monnaie syldave
6 Addition manuscrite de restaurant : 1 Szlaszeck champ., 1 Szprädj. "1 szlaszeck aux champignons, 1 vin rouge."
19 muskh valeur; kar roi; kloho conquête; ow ville
21 Eih bennek, eih blavek - devise syldave: "Ici je suis, ici je reste."
On lit dans la brochure touristique syldave que la devise veut dire "à peu près" : Qui s'y frotte s'y pique. Mais cette paraphrase n'est que la devise de la Lorraine, qui fait allusion à son emblème, le chardon, et s'explique comme tentative de traduire l'expression en contexte français (et en effet, la brochure cite ensuite la devise anglaise : Honni soit qui mal y pense.)
La signification exacte se voit dans le néerlandais Hier ben ik, hier blijf ik "Ici je suis, ici je reste", ce qui est sans doute la signification syldave, en confirmation de quoi je cite l'usage de blaveh 'rester' dans un album postérieur. Puisque nous avons aussi eih = 'il', il semblerait que 'ici' et 'il' (cf. néer. hier, hij) aient fusionné en syldave. D'autre part, la devise est médiévale, et il est probable que, dans les siècles dépuis Ottokar, on a trouvé quelque moyen d'éviter une homophonie aussi incommode.

D'un manuscrit du XIVe siècle, Hauts faits d'Ottokar IV:
"Pir Ottokar, dûs pollsz ez könikstz, dan tronn eszt pho mâ." Czeillâ czäídâ ön eltcâr alpû, "Kzommetz pakkeho lapzâda." Könikstz itd o alpû klöppz : Staszrvitchz erom szûbel ö. Dâzsbíck fällta öpp o cârrö.
"Père Ottokar, tu es faussement roi; le trône est pour moi." Celui-là dit donc à l'autre, "Viens saisir le sceptre." Le roi l'a frappé donc, Staszrvitch, sur la tête. Le fripon est tombé sur le plancher."

Voici le passage le plus délicat à traduire. Je n'en avais guère déchiffré la moitié, quand j'ai trouvé la traduction donnée par Frédéric Soumois dans son Dossier Tintin (1987) : "'Père Ottokar, tu es donc roi de la ville, alors le trône est pour moi.' Celui-là dit à l'autre. 'Viens prendre le sceptre.' Et le roi frappa sur Staszrvitch d'un coup de sceptre, qui le fit tomber sur le carreau comme une bique."

Je me suis écarté de M. Soumois à certains égards.

  1. Je traduis pollsz comme 'false[ment]' (cf. all. falsch), ce qui est plus logique— si en réalité Staszrvitch réconnassait la royauté d'Ottokar, il ne réclamerait ensuite le trône. (On peut dire la même chose de la lecture alternative 'roi des Polonais'.)
  2. Soumois traduit alpu comme 'sceptre'. (Le premier serait peut-être akpu; mais la deuxième lettre ne s'écrit pas comme les autre k dans le texte). Cela est possible, bien qu'il ne peut pas donner un mot apparenté. Néanmoins, je pense que la lecture est plus coulante si on y voit quelque particle connectif ou intensifiant. Les mots apparentés néerlandais les plus proches que j'aie pu trouver sont al te 'aussi', aldus 'donc'.
  3. Je préfère lire lapzâda = sceptre (admis, sans mot apparenté) et szûbel = tête, du contexte; des mots apparentés possibles pour ce dernier sont l'anglais scalp, l'all. Schopf 'houppe, touffe', ou cheveux.
  4. La syntaxe à la fin de la traduction de Soumois me paraît un peu tordue, et ce sans raison : le texte (à partir de Dâzsbíck) est très clair.
  5. 'Bique' manque un peu de dignité dans le contexte d'une chronique royale. C'est peut-être la signification étymologique, mais le mot a évidemment changé de sens.

Pour lapzâda un correspondant suggère le néerlandais lap' zei hij 'claque! dit-il' ou lap' zei de 'claque! dit de (roi)'. J'en doute. On peut donner une interprétation néerlandaise en allant de syllabe en syllabe pour presque toute expression syldave; mais le résultat ne se tiendra peut-être pas. Remarquez que le contexte immédiat est "Venez saisir —-", ce qui ne mène pas vraiment aux traductions suggérées; et notez que nous avons déjà czäídâ 'a dit' dans ce même passage.

Yves Horeau interprète ön eltcâr alpû comme 'À chacun son tour le sceptre', en référant la première partie au néer. aan elkaar (littéralement 'un autre'). C'est bien possible, mais le roi dirait-il ça ? Il entend aussi lapzâda comme 'a frappé', ce qu'il est très tentant, mais nous avons aussi klöppz dans la même phrase.

Dans la version en noir et en blanc de 1939, le texte est complètement différent. Yves Horeau a entrepris la tâche héroique de le traduire. Voici sa translitération et sa traduction :
Pir cegan caillouz rgmopz aouidzl birûzn
"Le Petit Père a entendu ce blanc-bec de baron blageur dire,
konigzx ü szrigt daon tron es fou maat
'J'ai le droit d'être roi, donce le trône est pour moi!'
wazs ceg de xzliele coe
'Qu'est-ce que tu dis, sale vache ?'
gnrufinz shakas turxz atre
'Que ce soit à chacun son tour d'avoir le sceptre!'
comurr tur sblsalcomuder
'Viens ici, toi, prendre ma place!'
en nsocödrugt lapzszrazdzeu kzöenig u zgaf se nez
Et le roi le frappa avec le sceptre sur le nez,
clörp op de pi etendzantecz dazs bic oms car.
le coup étendant à ses pieds cette bique sur le carreau."

Ceci est au long correct, a mon avis (exceptés quelques mots). Dans cette première version, curieusement argotique, Hergé a trouvé l'éxotisme principalement dans l'insertion de lettres inattendues (p.e. aouirdzl pour a ouï), à la place des accents et trémas.

24 Un paysan, en regardant Milou qui tombe du ciel : Zrälùkz! "Regarde!"
Le paysan, en indiquant du doigt, pendant que Milou atterrit: Czesztot on klebcz! "C'est un chien!" La version néerlandaise donne Czesztot on Foxsz, allusion au fait que Milou est un fox-terrier.
Czesztot pourrait être soit Zie's dat "Regarde ça", soit 't is dat "C'est ça", soit 't is toch "C'est sûrement", soit le français c'est. La signification (ici et dans le texte suivant) s'accorde mieux avec la dérivation du français.

Dans la version de 1939, l'autre paysan répond, Hamaïh!... "Par..."
Il n'est pas difficile voir ci-dedans l'équivalent syldave du bordure amaïh "salut!", que l'on utilise ici sans doute comme un juron ou une exclamation de surprise.

25 Le paysan, en discutant avec son ami l'arrivée de Tintin : Czesztot wzryzkar nietz on waghabontz! Czesztot bätczer yhzer kzömmetz noh dascz gendarmaskaïa? "Ce n'est assurément pas un vagabond! Ne serait-il mieux qu'il vienne avec nous à la gendarmerie ?"
Dans la version de 1939, quelques mots s'écrivent différemment : waghabont, yhzr, kzommet (el il y a un circumflexe renversé sur de quelques o).
Le même paysan, à Tintin: Kzommet micz omhz, noh dascz gendarmaskaïa! "Viens [Venez?] avec nous, à la gendarmerie!"
Enseigne sur la gendarmerie: ГЕНДАРМАСКАИА Gendarmaskaïa.
26 Sur un mur nous voyons un АДВИЧА advicza— un avis.
28 Kursaal salle de concerts
41 Enseigne (partiellement obscurcie): ПРАТН- ЗІГАРЕ- PRATN— ZIGARE— . "(mot inconnu). Cigarettes."
Le premier 3 (z) est écrit en revers, sans doute une faute d'Hergé, puisque la lettre apparaît exactement dans le mot zigarettes dans L'Affaire Tournesol.
42 Amaïh! Dans L'affaire Tournesol on salue le dictateur : Amaïh Plekszy-Gladz! Dans ce cas le mot est probablement emprunté au bordure.
60 Zyldav Zentral Revolutzionär Komitzät, L'organisation de Müsstler : "Comité syldave central revolutionnaire", bien sûr.
Il se traite peut-être du bordure ? Possible : mais notez le bordure zservis 'service' (dans L'affaire Tournesol), contre le syldave zekrett. Vraisemblablement que zentral est le syldave; le bordure serait zsentral.
61 Szcht! - silence!

Objectif Lune (1953)

3 Zepo, abbréviation pour la police secrète
Panneau : ЮЕРХВЕН / ВЕРТЗРАГЗ Verkhwen / Wertzragh 'Travaux / ralentir'
Panneau : ФОРВОТЗЕН ЗОНА Forwotzen Zona 'Zone Interdite'
5 Policier, à Haddock qui sort de la voiture : Hält! Ihn dzekhoujchz blaveh! "Halte! Restez dans la voiture!"
Dzekhoujchz s'écrit en un seul mot, mais les mots apparentés et la signification sont indéniables : cf. néerlandais koets 'carrosse', blijven 'rester'. Comparez dzapeih et dzoeteuïh ci-dessous; c'est clair que l'article défini peut fusionner avec le mot suivant en syldave.

Notez aussi le verbe à la fin, ce qui donne un air très germanique.
A Haddock, une question : Ah? Döszt? "Ah? Soif ?"
A un autre policier : On fläsz Klowaswa vüh dzapeih... Eih döszt! "Une bouteille de l'eau de Klow pour ce type... Il [a] soif!"
Je pensais d'abord que vüh dzapeih était '[de l']eau apportez.' Mais des néerlandophones ont suggéré voor daarbij 'pour tout près', voor die pief 'pour le mec', ou voor da pei, voor de pee 'pour le type' (en bruxellois). J'ai préferé le dernier en lieu de mon premier hypothèse, parce qu'il convient au contexte et offre une explication supérieure pour dzapeih.
Certains de mes correspondants voient dans eih une abbréviation de hij heeft 'il a'— prononcé, on me renseigne, [E: e:] en marollien. Mais je ne vois pas tout à fait les deux éléments dans cet eih; et je ne veux point voir dans le syldave un fouillis d'abbréviations inexplicables. Je me doute que 'a' ne s'entend presque pas après 'il', et s'élide; comparez 'Il va lire' et 'Il va le lire' en français populaire.

6 Chauffeur, à Haddock, en expliquant pourquoi il y un hélicoptère qui bloque la route : Kontzroll, Monzieu. Probablement que Monzieu est monsieur dans un accent syldave. "Contrôle, monzieu."
Policier, à l'agent dans la voiture : Güdd.. Zrädjzmo... Zsálu endzoekhoszd... "Bien... Continuez... A bientôt."
Ma première hypothèse pour endzoekhoszd c'était 'vite' (néer. inderhaast). Les néerlandophones préfèrent lire Salut en de kost, qui veut dire (en langue familière) "Salut, à bientôt". Ça n'évoque guère le moyen de parler de la police, mais c'est le meilleur que nous ayons.

Panneau : ШАЛТ Halt! Nous avons ceci comme Hält dans Sceptre.
Hergé utilise la lettre cyrillique Ш ch pour H— un drôle de choix, surtout quand le syldave a le son ch (sz). Mais l'alphabet cyrillique n'a pas d' h, et Hergé estimait peut-être que nous ne nous renseignerions sur lui.

Un autre agent, au chauffeur : Güdd! ...Zrädjzmo!... Zsoe ghounh dzoeteuïh ebb touhn... "Bien!... Continuez!... Ils vont ouvrir les portes."
Pour la première partie, les suggestions comprennent Goed [zo]... Rijdt u maar "Bon, continuez.", ou Da's mooi "C'est bon." Les traductions qui insèrent des coupures de mot à n'importe quel endroit me gênent, mais le lien à rijden 'conduire, aller' est irrésistible. Un indice inattendu vient de l'arumbaya dans Tintin et les Picaros, aussi dérivé du néerlandais bruxellois : Fretmô 'Mangez-en plus!'; cf. néer. Vret maar. Il paraît que -mo sert de clitique intensifiante, en arumbaya comme en syldave.
Pour le reste, la meilleure suggestion est Ze gaan de deur opendoen "Ils vont ouvrir les portes." (Notez que deur est du genre commun; et 'ouvrir' est openen, opendoen, ou opengaan en néerlandais.)

Le chauffeur réplique, Güdd! "Bon!"
12 Zekrett Politzs - police secrète

L'Affaire Tournesol (1956)

15 Paquet de cigarettes : МАЗЕДОНИА ЛОЗКТЕХ /-ИХ СЗТОУМПЕХ Mazedonia, lozktekh, —ikh sztoumpekh, 20 zigarettes- Laissé tomber par un type en trench-coat gris, qui se révèle être bordure. Je le considère comme du syldave, néanmoins, parce que les bordures (comme on peut voir dans cet album) utilisent exclusivement l'alphabet romain. Cet espion bordure doit avoir un goût pour les clopes de l'ennemi.
La signification de lozktekh et de sztoumpekh se cachent. Le dernier se rapporte peut-être au néerlandais stomen 'fumer' ou stoemp 'mégot'. Le premier vient peut-être de l'allemand lustig 'gai', et (si on peut juger par le contexte) deviendrait en syldave 'plaisant'.

30 Agent syldave, qui conduit Tournesol à l'eau : Rapp! Noh dzem bûthsz! "Vite! Au bateau!"

Noms propres

Personnes : Sporowitch (SO 5), Kroïszvitch (SO 6), Schzlozitch (SO 18), Hveghi, Muskar (SO 19); Almazout, Ottokar, Staszrvich (SO 21); Trovik, Wizskiszek, Sirov (SO 26); Sprbodj (SO 29); Kromir (SO 30); Czarlitz (SO 33); Wladimir (SO 39); Müsstler (SO 42— fusion des noms des dictateurs italien et allemand, selon Hergé); Kaviarovitch (SO 60); Stany, Boldov (AT 41)

Lieux : Wladir, Moltus (SO 19; fleuves); КЛОВ Klow, Kragoniedin, Zileheroum, Dbrnouk, Niedzdrow (SO 19, OL 4; villes); Zlop (SO 27); ЗЛІП Zlip (SO 28; villes); Kropow (SO 30; château); Istow (SO 57; ville); Douma (SO 61; porte); Klazdroje (OL 2; rue); ТЕСЗНІК Tesznik (OL 4); Sbrodj (SO 3); Zmyhlpathes (OL 9; montagnes); Zstopnohle (OL 51; montagne)

Une grammaire du syldave

Par nécessité cette section comprend plus d'interprétation, bien que je l'aie fondée, autant que possible, sur les textes du Corpus. Je n'ai pas hésité ajouter des détails, quand cela me semblait nécessaire; des mots non attestés dans l'oeuvre Tintinesque apparaissent en bleu.

Affiliation génétique

Plusieurs ont supposé, en considérant sa phonologie, que le syldave appartennait aux langages slaves. Et bien sûr que le premier roi de Syldavie, Muskar, était Slave. Mais l'histoire comprend beaucoup de nations dont le peuple et le souverain ne partagent pas (ou ne partageaient pas) la même langue.

Si l'on cherche des mots apparentés dans d'autres langues européennes, en sautant des mots internationaux et des noms propres, le résultat est frappant :
syldave néerlandais allemand russe
bätczer beter besser lutchche mieux
blaveh blijven bleiben udyerjivat' rester
bûthsz boot Boot lyotka bateau
dascz de das le
döszt dorst Durst jajda soif
fläsz fles Flasche flyaga bouteille
forwotzen verbieden verboten zaprechtchat' interdit
güdd goed gut dobryy bon
eih hij er on il
ek ik ich ya je
ihn in in v dans
kar koning König korol' roi
khoujchz koets Kutsche karyeta carrosse
kzommet komen kommen prittí venir
micz met mit s avec
muskh moed Mut mujestvo valeur
nietz niet nein nye ne pas
omhz ons uns nas nous (obj.)
wertzragh vertragen verspäten zamyedlyat' ralentir
werkhven werken Werken rabotat' travaux

L'évidence est claire : le syldave est une langue germanique, et non pas slave; il n'y a pas de cas (les noms propres à part) où il y a un mot apparenté slave sans équivalent germanique.

L'influence slave sur le langage est évidemment importante, parce que la noblesse syldave était slave, et également à cause de l'emplacement géographique de la Syldavie. Les noms propres en syldave, par exemple, sont d'ordinaire slaves.

Bien que la Syldavie se trouve dans les Balkans, les formes syldaves sont d'ordinaire plus proches du néerlandais que de l'allemand (cf. güdd, nietz, wertzragh ci-dessus). Hors du texte, la raison en est simple : quand il avait besoin de mots étrangers, Hergé se servait régulièrement du marollien (Marols), le dialecte flamand bruxellois que parlait sa grand-mère. (Un autre exemple est la ville arabe de Wadesdah— "Qu'est-ce que c'est que ça" en marollien; et comparez aussi l'arumbaya dans L'oreille cassée.)

Quelques lecteurs concluent que le syldave est le marollien; mais c'est une exagération. Examinons de plus près la liste de mots apparentés ci-dessus : eih, fläsz, forwotzen, muskh, et micz sont plus proches à l'allemand qu'au néerlandais. Remarquez aussi la diversité des formes de l'article défini— dascz, dze, dzem, dza, dzoe— ce qui implique la déclension par cas et par genre, comme en allemand; l'article néerlandais n'a que deux formes, et ne décline pas par cas ou par nombre. Il y a aussi des emprunts évidents au français, tels que czesztot, klebcz, gendarmaskaïa, adwicza, karrö, zrälùkz.

Phonologie

Le syldave a un inventaire ample de consonnes. Dans la translittération ordinaire :

              lab     dent    alv     vél    uvul

occlusive b p t d k g
fricative f w s z sz zs kh gh h
affriquée tz dz cz dj
nasale m n
liquide l
approximante v r rz
semivoyelle j

La plupart de ces sons existent en français; seul l'orthographe (dont on parlera encore ci-dessous) est étrange pour les francophones.

sz et zs sont les fricatives alvéolaires ʃ ʒ écrites ch et j en français. Les affriquées voisines cz (aussi écrite tcz ou tch) et dj se prononcent tch, dj. Quelques linguistes considéreraient le kz, prononcé [ks], être un phonème.

tz se prononce /ts/, et dz n'est que l'équivalent sonore.

J'ai pris l'interprétation de zs de l'hongrois, qui écrit ce son de cette façon-ci. Sz et cz s'interprètent comme en polonais; cette orthographe était commune dans l'Europe centrale; elle se conserve dans le mot anglais Czech (tchèque). L'orthographe tch (Sporowitch, qui imite le patronyme slave : Ivanovitch), est évidemment empruntée au français; vu que nous ne voyons tch que dans des mots propres nous pouvons le considérer comme une variante orthographique— je préfère l'interpréter ainsi, au lieu de dire qu' Hergé a dû éviter les exceptions, en écrivant Sporowicz. tcz ne s'atteste que dans bätczer; en remarquant que un t ne change pas le son d'un cz, nous pouvons identifiquer une autre variante orthographique— ou peut-être une consonne doublée.

Comment interpréter khoujchz ? L'équivalent néerlandais koets ne suggère que l'existence d'une affriquée. chz n'est assurément pas la même chose que tz; c'est plus probablement (surtout quand nous avons déjà vu la variante tch) une autre forme de cz.

kh (de temps en temps écrit ch) se prononce comme l'allemand ch dans Bach. L'équivalent sonore est gh.

Le gh sonore /ɣ/ n'est pas très commun dans les langues européennes— il est plus courant dans les langues turques— mais c'est très bien indiqué par le modèle néerlandais: p.e., vagebond se prononce [vaɣebont]. La co-existence de mots tels que ghounh, güdd suggère que, à la différence du néerlandais, les /g/ et /ɣ/ contrastent en syldave.

Dans l'ancien syldave nous trouvons le /k/ écrit c : eltcâr, cârrö. Nous ne voyons pas cette convention dans les mots modernes, et je soupçonne qu'on utilise actuellement k, au moins pour les mots que l'on perçoit comme natifs.

Comme en français, les phonèmes dentaux se prononcent contre les dents, ce qui produit un contraste fort entre p.e. s et sz, tz et cz.

Le r se prononce roulé, mais avec un seule battement, comme dans l'espagnol, l'italien, ou le japonais; ce n'est pas le r grasseyé du français, ni l'r longuement roulé du provençal. Le rz est le r palatalisé du polonais (rz) ou du tchèque (Dvorak); aux oreilles françaises ça aura à peu près l'air de rch.

Un point difficile : le w se prononce /v/, comme dans 'avoir', tandis que le v est une liquide bilabiale /β/, comme dans l'espagnol (d'Espagne) lavar.

Les phonèmes w et v sont une espèce d'énigme. Du mot Klow, donné dans tous les deux alphabets, nous voyons que w équivaut au B cyrillique, qui se prononce /v/ dans toutes les langues slaves; comparez aussi des emprunts comme Wladimir, et la prononciation de w en allemand et en polonais. Néanmoins nous voyons aussi v, par exemple dans Hveghi. La clé du mystère se présente dans la mot ЮЕРХВЕН 'travaux', apparenté à l'allemand Werken, pour lequel Hergé ne donne pas de translittération. En se rappellant des mots russes comme soyuz, il est tentant de lire /juerxven/; mais je crois que c'est une méprise de l'usage de la lettre yu en russe, où elle n'indique pas y + u, mais une forme d' /u/ : en particulier, un /u/ qui suit une consonne palatalisée. La palatalisation n'est pas importante en syldave, mais 'une forme d' u' est le point clé. La meilleure interprétation des faits est que le Ю syldave est une approximante bilabiale /β/, comme dans l'espagnol lavar, et qu'il s'identifie avec le v vu dans les translittérations. Après une consonne, comme dans Hveghi, il est probable que le v devienne semi-voyelle : [hweɣi]. Notez aussi que le néerlandais comporte aussi la distinction /v/ vs. /β/, mais l'orthographe opposante : v, w.

Dans deux mots (bûthsz, Zmylpathes) nous avons un digraphe th; je le prends comme variante orthographique de t, comme en français ou en allemand. Dans le dernier mot l'orthographe a évidemment été suggéré par celle des Carpates (l'anglais 'Carpathians'). Il n'y a pas de bonne explication pour le th de bûthsz; mais on peut formellement exclure une fricative. Les seules langues germaniques avec une fricative th sont l'anglais et l'islandais, et des listes de mots apparentés on voit clair que le syldave suit les autres langues germaniques : cf. döszt, dze vs. l'anglais 'thirst, the'.

Les voyelles sont:

          d'avant    centrale    d'arrière

hautes i,y ü u û
cent e ö o ô
bas ä a

La réalisation des voyelles d'avant est claire : comme en français et en allemand, i et e existent en formes soit arrondies, soit non arrondies (donc ü = fr. u, ö = fr. oe). L'interprétation de l' ä est incertaine : c'est peut-être un a arrondi, ou un a plus avancé [æ] comme l'anglais 'ask', ou (hypothèse que je préfère) il peut répresenter [ɛ] (le e de bête), comme en allemand.

Nous ne savons pas comment se prononcent û et ô, surtout parce chacun n'apparaît que dans un mot (bûthsz, khôr). Je suggère û = une voyelle centrale, comme le e de le mais un peu plus haute; et ô = o ouvert, comme dans donner.

Nous voyons aussi quelques instances de ou, oe, y. Le premier est peut-être un diphtongue, et le deuxième, une variante de ö. J'ai pris le y comme voyelle haute et relâchée /I/, comme celle du néerlandais pit, mais ce n'est peut-être qu'une variante orthographique d' i.

L'abondance des diacritiques et de variantes d'orthographe sont vraiment un défaut dans l'invention d'Hergé. Il aurait mieux fait de se fixer et de mettre au point tous les sons du syldave, au lieu de les inventer peu à peu. La manque de consistance ne gênera peut-être que les linguistes; mais il y a aussi un problème artistique : le lecteur ne saura pas comment prononcer le langage.

Orthographe

Dans l'époque médiévale les Syldaves écrivaient leur langue (germanique) en alphabet romain (voir par exemple le manuscrit du 14e siècle du Sceptre d'Ottokar). Et même actuellement dans les armoiries syldaves, la devise Eih bennek, eih blavek s'écrit en caractères romains (plus précisément, en ce qu'on appelle en allemand le Fraktur).

Au présent, les Syldaves écrivent leur langue en utilisant l'alphabet cyrillique. Quand ils ont changé et pourquoi restent des mystères.

Voici les consonnes syldaves dans les alphabets romains et cyrilliques :

Dans de certains cas (cz, tz) on se sert des digraphes à la place des caractères simples utilisés dans les langues slaves. Ceci ne s'explique qu'en supposant que la Syldavie ait d'abord utilisé l'alphabet romain, et que l'orthographe cyrillique se soit fondée sur lui.

J'ai dû fournir quelques équivalents, pour des sons qu'Hergé n'a donné que dans l'alphabet romain. L'usage de ЗС suit le modèle d'Hergé— les Syldaves avaient sans doute des raisons pour lesquelles ils évitaient les Ш sha et Ж zhe cyrilliques. Enfin je suggère gz comme translittération de gh; ça fournit un équivalent qui manque, et produit à la fois une prononciation plus plausible pour le mot wertzragh.

Les parties du discours

Les noms

Les noms ont un genre, ou le commun ou le neutre. La plupart des noms, y compris la majeure partie de ceux qui réfèrent aux personnes ou aux animaux, sont du genre commun.

Pluriels : -es (zigarettes, Zmyhlpathes) et -en (verkhwen) se voient tous les deux.

  • Les mots les plus fréquents forment d'ordinaire le pluriel en -en: klebczen 'chiens', khôren 'khôrs', fläszen 'bouteilles', verkhwen 'travaux'.
  • Les emprunts ont un pluriel en -es: zigarettes 'cigarettes', komitzätes 'comités'.

La postulation de deux genres en syldave s'est basée surtout sur les formes multiples de l'article défini.

Pronoms

sujet compl. possessif
1s je ek ma mejn
2s tu dûs da dejn
3s il eih itd yhzer
3s elle zsoe irz yhzer
1p nous vei ohmz ohmz
2p vous
3p ils/elles zsoe khon khon

Les formes sujets servent, naturellement, pour le sujet d'une phrase :

Eih döszt. Il a soif.
Ek nietz itd werlagh. Je ne le veux pas.

Les formes complément s'utilisent pour le complément d'un verbe ou après une préposition :

Wladimir irz löwt. Wladimir l'aime.
Kzommet micz omhz. Venez avec nous.

Les pronoms démonstratifs sont czei 'ce, ceci', tot 'ce, cela':

Eih czei klebcz klöppta. Il a frappé ce chien-ci.
Tot eszt on döszt waghabontz. Celui est un vagabond assoiffé.
Tintin noh czei bûthsz kzommet. Tintin vient à ce bateau-ci.
Hadok öpp tot bûthsz fällta. Haddock est tombé de ce bateau-là.

Des autres pronoms connus sont eihn 'ici', daren 'là', eltkar 'un autre, l'autre'.

Articles

L' article indéfini est on.

on klebcz un chien
on fläsz Klowaswa une bouteille d'eau de Klow

Le pluriel est onegh.

onegh klebczen des chiens, quelques chiens
onegh fläszen Klowaswa des/quelques bouteilles d'eau de Klow

L' article défini est décliné, comme en allemand.

m/f n pl
nom dze dascz dzoe
acc dzem dascz dzoe
dat dze dza dzem
gén doscz doscz doscz

Les formes nominatives s'utilisent pour le sujet d'une phrase :
Dzebûthsz wzryzkar vertraght. Le bateau ralentit assurément.

Les formes accusatives s'utilisent pour le complément direct (et après certains prépositions):

Dzem bûthsz werlagh ek. Je veux le bateau.

Les formes datives s'utilisent pour le complément indirect (et après certains prépositions). Comparez le français au, à la, aux :

Ek itd dzekönikstz werkopta. Je l'ai vendu au roi.

Les formes génitives s'utilisent dans les expressions de possession. Comparez le français du, de la, des :

Eih fällta öpp o kârrö doscz bûthsz. Il est tombé sur le plancher du bateau.

Les formes qui terminent dans une voyelle s'attachent au mot qui suit : dascz gendarmaskaïa 'la gendarmerie', mais dzoeteuïh 'les portes'.

Les formes attestées sont:
dâzsbíck 'la chèvre' dans la chronique médiévale; apparemment neutre alors que nous attendrions le féminin. Le scz final s'assimile à zs devant la consonne sonore qui le suit.
noh dascz gendarmaskaïa 'à la gendarmerie'
noh dzem bûthsz! 'au bateau!'; Boot est neutre en all. mais commun en néer.
ihn dzekhoujchz 'dans la voiture'; Kutsche est fem. en allemand, commun en néer.
vüh dzapeih 'pour le type' - on supposait que c'était du genre commun; mais dans ce cas ça devrait être dze; je le prends donc comme neutre (autrement inattesté)
dzoeteuïh '[ouvrir] les portes'; deur est commun en néer.

Comparez l'allemand et l'ancien néerlandais :
m f n pl a. néer.
nom der die das die die
acc den die das die dien
dat dem der dem den dien
gen des der des der des

Dans une époque passée le syldave a dû posséder une série de formes pareilles à celles de l'allemand. Il n'est pas difficile à voir ce qui s'est passé. Le -r final a disparu (-r n'est pas stable en syldave; comparez döszt avec l'angl. 'thirst', ou vüh avec 'for'), de même que le -m final. La distinction entre de et die s'est aussi perdu, et au même temps, peut-être, tout les deux se sont affriqués à dze. L'accusatif et génitif féminins ont dû aussi être dze; les formes dzem (de l'ancien den) et doscz (de des) se sont adoptés par analogie, ce qui a aboli les différences entre les deux genres. Avec la palatalisation de das dans le neutre, on a atteint le système actuel.

Adjectifs

Les adjectifs précèdent les noms : forwotzen zona 'zone interdite'; Zekrett Politzs 'Police secrète'. Ils ne sont pas déclinés.

(En fait, il n'y a pas d'évidence suffisante pour savoir si les adjectifs changent de forme. Les règles du néerlandais sont compliquées.)

Notez la dérivation Klow > Klowaswa. Il y a certainement d'autres adjectivisations; comparez Zyldav 'syldave'.

Les adjectifs peuvent modifier les verbes (ou, si vous voulez, les adverbes ont la même forme que l'adjectif corréspondant):

Nadja Wladimir zekrett löwt. Nadia aime secrètement Wladimir.
Dzapeih wzryzkar eszt on vaghabontz. Le type est sûrement un vagabond.

Verbes: Conjugaison

Formes attestées:
bennek - suis (avec pronom cliticisé)
blavek - 1s du présent de l'indicatif (avec pronom cliticisé)
ghounh - 3p du présent de l'indicatif
forwotzen - participe passé
kzömmetz - (Czesztot bätczer yhzer kzömmetz noh dascz gendarmaskaïa?) infinitif ("c'est mieux pour lui venir...") ou 3s du subjonctif ("mieux qu'il vienne...")
kzommetz - impératif (dirigé à 1 personne)
touhn - infinitif
wertzragh - impératif ou infinitif
kzömmet - impératif , nombre indéfini (à 1 personne). Pluriel = racine + -t en néerlandais!
hält - impératif , nombre indéfini (à 1 personne)
zrälùkz - impératif , nombre indéfini (à 1 personne)
blaveh - impératif , nombre indéfini (à 1 personne)
zrädjzmo - impératif , nombre indéfini (à 1 personne)
ez - es (2s du prés. de l'indic. d' 'être')
eszt - est (3s du prés. de l'indic. d' 'être')
czäídâ - a dit (3s du passé de l'indic.)
pakkeho - saisir (infinitif)
klöppz - frappe (3s du prés. de l'indic.)
fällta - est tombé (3s du prés. de l'indic.).

Les verbes ont deux conjugaisons, dites forte et faible. La conjugaison forte :
Infinitif blavn 'rester'
Présent de l'indicatif 1s blav, 3s blavet, 1p/3p blaven
Passé de l'indicatif s blev, pl bleven
Subjonctif s blavetz, pl blavendz
Impératif 2s blaveh, 2p blavet
Participes prés blavendz, passé bleven

Et la faible :
Infinitive löwn 'aimer'
Présent de l'indicatif 1s löw, 3s löwt, 1p/3p löwen
Passé de l'indicatif s löwda, pl löwenda
Subjonctif s löwetz, pl löwendz
Impératif 2s löweh, 2p löwet
Participes prés löwendz, passé löwen

Les différences se voient dans le passé (formé par l'altération de la racine pour les verbes forts, et par l'addition de -da (-ta après une consonne sourde) pour les faibles) et dans le participe passé (qui pour les verbes forts partage la même l'altération de voyelle que celle du passé).

Les indices nous manquent pour la détermination des formes de la deuxième personne (tu, vous)— en effet, nous ne savons même pas si le dûs 'tu' médiévale subsiste. Je suggère qu'on utilise les formes de la première personne.

Prépositions

Prépositions connues :

ihn dans
micz avec
noh à (mouvement vers)
o à (lieu), contre, de (sujet)
öpp au-dessus, de (mouvement au loin)
vüh pour

Fait curieux : les prépositions deviennent des post-positions avec les pronoms du 3s, en utilisant la forme spéciale er : p.e. erom 'à ou contre lui/elle', ervüh 'pour lui ou elle', etc.

Les prépositions prenent d'ordinaire le datif, sauf quand il y a question d'un mouvement, quand l'accusatif s'impose. Il y a donc une différence sémantique entre :
ihn dzekhoujchz (dat.) (qqch. a lieu) dans la voiture
ihn dzem khoujchz (acc.) (qqch. entre ou mouve) dans la voiture

Le corollaire est que certaines prépositions ne s'utilisent qu'avec un cas : p.e. noh, qui exprime toujours un mouvement, prend toujours l'accusatif; tandis que o, qui n'implique jamais un mouvement, est suivi toujours par le datif.

Je fonde cette description sur l'allemand, parce que le néerlandais (y compris le marollien!) n'a pas d'article défini décliné. Ça se tient avec les expressions prépositionelles dans le Corpus (voyez Articles).

Syntaxe

Le verbe suit d'ordinaire le complément :

Ihn dzekhoujchz blaveh! Restez dans la voiture!
Ek mejn mädjek löw. J'aime ma petite amie.
On sprädj werlagh. Je veux du vin.

Où il y a un auxiliaire et un verbe principal, le verbe reste à la fin, mais l'auxiliaire se situe juste après le sujet :

Zsoe ghounh dzoeteuïh ebb touhn. Ils vont ouvrit les portes.
Ek werlagh ihn Klow blavn. Je veux rester à Klow.

Dans le syldave plus vieux le pronom peut suivre le verbe, et on peut encore le mettre ainsi pour souligner sa pensée :

Eih bennek, eih blavek Ici je suis, ici je reste. [orthographe médiévale]
Wzryzkar kzomme ek! Je viens, bien sûr!

On peut dire soit Eihn ben ek, soit Ek ben eihn, mais jamais *Eihn ek ben. En général on peut dire ou "X est Y" ou "Y est X". Quand X est un pronom, la forme "Y est X" est plus forte: Güdd eszt itd, 'Bon qu'il est.'

Dans les phrases dans le Corpus avec kzommet, des expressions prépositionelles suivent le verbe. Mais la virgule indique que l'expression prépositionelle s'est déplacée afin de se souligner, ou comme une espèce de pensée après coup :

Kzommet micz omhz, noh dascz gendarmaskaïa! Venez avec nous, à la gendarmerie!

Les formes du verbe 'être' suivent directement le sujet :

Dzekönikstz eszt güdd. Le roi est bon.
Sbrodj eszt on forwotzen zona. Sbrodj est une zone interdite.
Dan dzetronn eszt ervüh. Le trône est donc pour lui.

La forme fusionnée czesztot 'c'est' commence la phrase : Czesztot Tintin. "C'est Tintin."

Négatifs

Pour mettre une phrase à la forme négative, on ajoute le particle nietz après le sujet, en position d'auxiliaire.

Müsstler nietz dzem könikstz löwt. Müsstler n'aime pas le roi.

Dans les phrases copulatives, nietz s'insère après le verbe (ou czesztot) :

Müsstler eszt nietz güdd. Müsstler n'est pas bon.
Czesztot wzryzkar nietz on waghabontz! Ce n'est sûrement pas un vagabond!

Questions

Les questions simples s'indiquent d'ordinaire par une inflection montante :

Dzekönikstz het döszt? Le roi a soif ?
On klebcz fällt? Un chien tombe ?

S'il y a un verbe auxiliaire, ou un verbe sans complément, on peut aussi invertir sujet et verbe :

Ben ek eihn? Blav ek eihn? Suis-je ici ? Est-ce que je reste ici ?
Ghounh Tintin noh Sbrodj kzömmen? Tintin va-t-il à Sbrodj ?

Le seul pronom que nous savons c'est vazs 'que':

Vazs eszt tot? Qu'est-ce que c'est?

Lexique

Pour les verbes forts, le participe passé se donne en parenthèses.

adwicza - n. avis [du français]
Almazout - n. noble syldave, devenu Ottokar Ier
alpû - adv. donc, puis, même [néer. aldus ?]
amaïh! - v. avé! [emprunt au bordure]
bätczer - adv. mieux [cf. néer. beter]
ben - v. (je) suis
bíck - n. fripon, bête [fr. bique 'chèvre']
birûzn - n. baron [de la version originale du text mediéval]
blavn (bleven) - v. rester [cf. néer. blijven]
bûthsz - n.n bateau [cf. all. Boot]
champ. - abbréviation pour 'champignons'. (Il est possible que le restaurateur a simplement écrit l'addition en français; mais étant donné qu'il était syldave, il est aussi possible que le syldave a emprunté le mot au français.)
czaïgan (czaïda) - v. dire [néer. zeggen; comparez cegan dans la première version du texte mediéval]
czei - pron, adj. ce, ceci [fr. ce]
czeilla - pron. celui-là [du français]
czesztot - phrase c'est [czei eszt tot]
da - pron. toi (acc.)
dan - pron. donc [néer. dan]
daren - pron. là
dascz - art. le; voir dze
Dbrnouk - n. ville au sud de la Syldavie
dejn - pron. ton, tien
döszt - n, adj. soif [cf. néer. dorst]
Douma - n. porte principale de la Syldavie
dûs - pron. tu [cf. all. du]
dze - art. le. Commun nom/dat dze, acc dzem; neutre nom/acc dascz, dat dza; pluriel nom/acc dzoe, dat dzem. Génitif, toujours doscz.
ebb - adj. ouvert; ebb touhn expr. verbale ouvrir [litt. 'faire ouvert'; cf. néer. opendaan]
ek - pron. je
eih - pron. il, archaic ici
eihn - pron. ici [de eih ihn 'ici-dedans', expression qui a remplaçé l'ancien eih 'here' après qu'il a incommodement fusionné avec eih 'il']
eltkar - pron. un autre (personne), l'autre [néer. elkaar]
en - conj. et [Pas directement attesté, mais se déduit de endzoekhoszd. néer.en]
endzoekhoszd - adv. plus tard [cf. néer. bruxellois en de kost]
er - pron. lui, eux (forme qui paraît avant une préposition)
fällen - v. tomber
fläsz - n. bouteille [cf. all. Flasche]
forwitzen (forwotzen) - interdire [cf. all. verboten]
forwotzen - part. interdit
gendarmaskaïa - n. gendarmerie
ghounh - aller [cf. néer. gaan]
güdd - adj. bon
Hält! - v. halte!
hamaïh! - v. avé! [cf. anversois amai, expression d'étonnement, de surprise, de pitié, etc. - rôle que hamaïh peut accomplir aussi en syldave]
heben - v avoir [cf. néer. hebben]. 3s prés de l'indic. het tend à se perdre après un sujet qui termine dans une voyelle, p.e. eih.
Hveghi - n. Chef slave, s'est rebellé contre les Turcs, est devenu Muskar Ier
ihn - prep. dans, en
irz - pron. son, sa (à elle) [néer. haar, all. ihr]
Istow - n. ville syldave (à 56 km de Klow)
itd - pron. lui (acc.)
kar - n. roi
karrö - n. plancher [fr. carreau]
khon - pron. eux, leur [néer. hun]
khôr - n. monnaie syldave
khoujchz - n.f. voiture [cf. néer. koets 'carrosse'].
klebcz - n. chien [cf. fr. clebs, l'arabe kalb]
kloho - n. conquête
klöppen - v. frapper
Klow - n. capitale de la Syldavie, à la confluence du Wladir et du Moltus [kloho + ow]
Klowaswa - adj. de Klow; comme n. eau minérale de Klow
komitzät - n. comité
könikstz - n. roi [néer. koning, all. könig]
kontrzoll - n. contrôle
Kragoniedin - n. une ville réputée pour ses sources thermales
Kropow - n. chateau près de Klow, ou se garde le Trésor royal
Kursaal - n. salle de concerts
kzou - n. vache [Du. koe, qui apparaît comme coe dans la version N/B du text mediéval; je l'ai modifié d'après la forme de 'venir' et 'voiture'.]
kzömmen - v. venir [néer. komen]
löwn - v. aimer
lapzâda - n. sceptre
lozktekh - plaisant [all. lustig]
mädjek - jeune fille, petite amie
Mazedonia - n. Macedoine
ma - pron. moi
mejn - pron. mon, ma, mien
micz - prep. avec [all. mit]
-mo - particle juste, seulement, en plus: Zrädjzmo! Continuez à conduire! Conduisez un peu! [néer. maar]
Moltus - n. deuxième fleuve de Syldavie
Muskar - n. nom de plusieurs rois de Syldavie, y compris le premier [muskh + kar]
muskh - n. valeur
Niedzdrow - n. ville sur le Wladir
nietz - adv. ne pas [néer. niet 'ne pas']
noh - prep. à (exprime mouvement) [cf. all. nach, néer. naar]
o - prep. à (lieu), (mouvement ou emplacement) contre, de (sujet) [l'ancien ön; néer. om]
omhz - pron. nous (acc.), notre [cf. all. acc/dat uns]
on - art. un [cf. néer. een]
onegh - art. des (pluriel de on) [néer. enige]
öpp - prep. au-dessus, de (au loin de)
Ottokar - n. nom de plusieurs rois syldaves
ow - n. ville
pakken - v. saisir [néer. pakken]
peih - n.n.. personne, type [bruxellois pee < fr. père. Le même mot français était emprunté dans l'époque médiévale comme Pir.]
pir - n. père [fr. père]
politzs - n. police
pollsz - adj. false, mauvais [néer. vals, all. falsch]
rapp - adj. vite, rapide [néer. belge rap]
revolutzionär - adj. revolutionnaire
Sbrodj - n. ville syldave, lieu du centre de recherche nucléaire d'où on a lançée la première expédition à la Lune
Staszrvich - n. noble syldave rebelle au temps d'Ottokar IV
szcht - n. silence!
szlaszeck - n. espèce de viande, dite (probablement juste pour rire) être du chien
szprädj - n. vin rouge [fr. rouge?]
sztoumpekh - ?? [néer. stomen 'fumer' ou stoemp 'mégot'?]
szûbel - n. tête
Tesznik - n. ville syldave
teuïh - n. porte [néer. deur]
touhn - v. faire [cf. néer. doen]
tot - pron. adj. ce, cela [néer. dat; russe tot]
tronn - n. trône [néer. troon, fr. trône]
vazs - pron. quoi, que [Du. was. Apparaît comme wazs dans la version N/B du texte mediéval, mais j'ai changé la première lettre en imitant l'inversion syldave de w et de v.]
vei - pron. nous (nom.)
verkhwen - n. travaux (pl.) [cf. all. Werken]
vüh - prep. pour [l'ancien pho, sûrement prononcé fo; cf. néer. voor]
waghabontz - n. vagabond
werkopen - v. vendre [néer. verkopen]
werlagh - v. vouloir, désirer [néer. verlangen]
wertzragh - v. ralentir [cf. néer. vertragen]
Wladimir - n. saint patron de Syldavie
Wladir - n. fleuve principale de Syldavie
wzryzkar - adj. sûr; adv. assurément [cf. néer. voor zeker]
yhzer - poss. pron. son, sa [cf. all. ihrer]
zekrett - adj. secret
zentral - adj. central
Zepo - Zekrett Politzs - n. Police secrète
zigarettes - n. pl. cigarettes
Zileheroum - n. Capitale turque de Syldavie, sur le Moltus; actuellement Klow
Zlip - n. ville syldave
Zmyhlpathes - n. une chaîne de montagnes dans la Syldavie [mélange de Carpates et mille-pattes]
zona - n. zone
zrälùkzen - v. regarder [cf. fr. reluquer, combinaison de regarder et du néer. moyen locken 'regarder']
zrädjzen - v. conduire, aller (à cheval ou en voiture) [cf. néer. rijden]
zsálu - interj. salut [du français]
zsoe - pron. elle, ils, elles [néer. zij]
zsoen - v. être; verbe irrégulier: ben, ez, eszt... [néer. zijn]
Zstopnohle - n. nom n'une montagne près de Sbrodj
Zyldav Zentral Revolutzionär Komitzät - n. organisation fasciste avant la guerre
Zyldav - adj. syldave
Zyldavja - n. Syldavie


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